Conférence
Les écrans dans le quotidien des familles
Conférence donnée par Elisabeth Baton Herve conférencière spécialisée dans les relations enfants-écrans, familles et médias numériques.
- 28 septembre à 19h, Salle de l'Antichambre de l'Hôtel de Ville
Gratuit, accès dans la limite des places disponibles
Interview d'Elisabeth Baton-Hervé
Une interview publiée dans le numéro 74 du magazine avignon(s)
PAROLE D’EXPERTE
« LE NUMÉRIQUE DOIT ÊTRE À NOTRE SERVICE, ET NON L’INVERSE. »
Rencontre avec la Docteure en sciences de l’information et de la communication Élisabeth Baton-Hervé, formatrice et conférencière, spécialisée dans les relations enfants-écrans, familles et médias numériques. Elle est l’invitée de l’Agora d’Avignon du 28 septembre (à 19h à l’Hôtel de Ville), autour du thème « les écrans dans le quotidien des familles ».
Quel sera le déroulé de cette conférence ?
Je m’appuierai sur mon ouvrage de 2020, « Grandir avec les écrans ? Ce qu’en pensent les professionnels de l’enfance ». Lors de rencontres et conférences, je me suis rendu compte que les écrans commençaient à occuper une place extrêmement importante dans l’univers familial avec des incidences de toutes sortes… J’ai fait une enquête plus formelle en allant dans 12 départements, de 2014 à 2018, où j’ai rencontré une cinquantaine de professionnels, des orthophonistes, des psychologues, psychanalystes… On a trop relativisé en ne voulant pas dramatiser : on constate aujourd’hui certains dégâts importants. Malgré les recommandations et critères d’âges proposés aux parents, ça ne s’arrange pas !
Quelles sont les conséquences de cette surstimulation numérique ?
Chez les tout-petits, ce qui est dramatique c’est qu’on leur propose de plus en plus tôt des écrans alors qu’ils n’ont même pas encore traversé l’étape sensorimotrice d’expérience concrète, qui est leur mode d’intelligence : ils ont besoin d’expérimenter le monde pour le comprendre. Les écrans ne le permettent pas avec des conséquences au niveau moteur, du langage et de la relation à l’autre. En arrivant à l’école, ils n’ont pas un bagage de mots suffisant, ils entrent avec un handicap de compréhension. Après 6 ans, l’enfant est capable d’abstraction, de symbolisation, il va mieux comprendre ce qu’est une image… le problème c’est que les écrans prennent une place très importante, dès le matin avec la télévision. Avec des conséquences nouvelles d’hypoglycémie pour certains qui n’ont pas le temps de petit déjeuner. Aujourd’hui, enfants et adolescents sont très fatigués, moins disponibles aux apprentissages scolaires, parce qu’ils regardent les écrans tôt le matin ou/et tard le soir.
Et chez les adultes ?
Le travail ne s‘arrête pas à la porte de l’atelier ou du travail, avec la mobilité, le numérique permet de recevoir des sollicitations professionnelles jusqu’à chez soi : c’est une fatigue ou une surcharge mentale qui les rend moins disponibles à leurs enfants. Il y a aussi un manque d’informations pertinentes pour comprendre les conséquences d’une exposition trop importante aux écrans et des messages marketing publicitaires qui vont les tromper.
Vos conseils avec votre expérience d’une trentaine d’années ?
Mon approche c’est de transmettre informations et connaissances, afin que les parents puissent décider de la manière dont ils accompagnent leurs enfants. Je ne vais pas donner de recette. Pour savoir à quel âge octroyer un portable à son enfant, je réponds plutôt par les compétences nécessaires pour posséder ce type d’appareil. Je donne des exemples concrets, en montrant comment sont construits un dessin animé, une publicité, ce qu’on propose aux enfants sur Internet... Je conseille de limiter le temps d’écran en proposant des alternatives et en donnant l’exemple parental : il faut mettre un cadre dans l’usage familial, mais les parents doivent aussi rentrer dans ce cadre.
Comment limiter le mécanisme d’addiction aux écrans ?
Il faut comprendre comment sont fabriqués ces appareils, applications et réseaux sociaux : les ingénieurs ont pour consignes et ambition de retenir le plus fréquemment et longtemps possible les usagers sur leurs appareils. C’est ce qu’on appelle la captologie, le marché de l’attention avec les notifications, les émoticones, les like… quand on a connaissance de ces intentions, on va mieux savoir gérer son appareil pour être moins sollicité. Il faut mettre des freins pour ne pas rentrer dans un usage impulsif et pouvoir exercer notre libre arbitre !
Y’a-t-il un usage bénéfique des écrans ?
Je me réfère au philosophe bernard Stiegler qui parlait du numérique en termes de « pharmakon », à la fois le remède et le poison. On dit souvent « si on en fait un bon usage, ce sera bénéfique » : cela concerne l’usager et ceux qui conçoivent ! Il faut avoir une maturité suffisante pour tirer partie de ces outils pour notre curiosité intellectuelle, notre satisfaction créative… mais il faut que ces outils soient à notre service et non l’inverse.
Nous suivre sur les réseaux sociaux