Qui êtes-vous ?
Je suis Régis Roquette, j’ai eu la chance d’hériter d’un père et d’un grand père qui ont travaillé avant moi… Je pourrais m’offrir beaucoup, mais ça ne m’intéresse pas, j’ai préféré en faire profiter ici ! À la fin des années 2000, on avait choisi de s’installer à Avignon avec ma femme Edith, une ville qui nous semblait intéressante, notamment avec l’arrivée du TGV et d’Internet. On a découvert les activités particulières d’Avignon, le festival, sa renommée planétaire, nous souhaitions nous investir dans ce mouvement sociétal. Hélas, ma femme est tombée malade et est décédée. Il a bien fallu réagir et trouver une manière d’exister. J’ai visité le monde et suis revenu en me disant qu’il fallait que j’arrive à créer une vie sociale autour de moi. Avec beaucoup de discussions, d’échanges et de travail, à mon initiative mais sans être exclusif à moi-même, en recherchant un vecteur en dehors des activités qui existaient déjà à Avignon. Aujourd’hui, vont être fêtés les 10 ans d’existence d’Edis et concomitamment l’anniversaire des 14 ans de sa disparition.
Vous avez donc créé ce lieu, unique notamment parce que vous le financez à 100 %, où l’art numérique est à l’honneur.
En créant le fonds Edis, contraction d’Edith et de Régis, c’était aussi une manière de lui rendre hommage. Il me fallait reprendre. J’ai toujours été passionné par les nouvelles technologies et suite aux conseils de Catherine Dan, à la Chartreuse de Villeneuve, j’ai eu l’idée de cette structure responsable et en même temps légère. Un fonds de dotation c’est plus sérieux qu’une association « basique » mais moins contraignant qu’une fondation. Plus libre. L’issue, ce sera de basculer de façon plus pérenne et agréable vers une fondation. Mais pour l’instant, le fonds de dotation arrive à prendre en charge et à recueillir le processus en route au Grenier à Sel. Au départ, en 2012 quand il est né, le fonds était distributif et soutenait des projets extérieurs sur toute la région. Le point d’ancrage a été de soutenir le projet Marseille Provence 2013, puis sur Avignon dans différents lieux privés.
Pourquoi cet amour pour Avignon et un tel engagement de philanthrope ?
J’avais envie de créer mes propres projets à Avignon, de les faire à mon image et de soutenir les artistes que j’avais envie de soutenir. Nous habitions à Cahors dans le Lot, Avignon se trouvait à la même latitude et nous cherchions un endroit où s’installer. La première année, on a découvert la réalité du festival, l’ambiance, l’animation, tout ce qui s’y passe en même temps. Vous pouvez pousser n’importe quelle porte pendant le festival, il se passe toujours quelque chose ici ! Ce melting-pot, ces rencontres, ce bouillonnement étaient une belle étape vers une ouverture permanente. J’ai voulu et je veux encore faire perdurer ce foisonnement. Pourquoi pas m’y investir au sens matériel et financier, au propre comme au figuré, et présenter l’œuvre philanthropique que je réalise ici ? Quand j’ai entendu parler du Grenier à Sel, j’ai décidé, avec l’équipe, de mettre la main dessus ! Un bâtiment pour lequel j’ai eu un coup de cœur, que j’ai trouvé très beau, qui présente aujourd’hui tout ce que je souhaitais. J’ai l’impression que le Grenier à Sel est tellement euphorique, c’est un monument patrimonial, bien placé, il y a tout !
Un lieu réhabilité par Jean-Michel Wilmotte, parfait pour inscrire votre action, avec des évènements gratuits hors les spectacles d’été, ouvert à tous… ce qui est rare pour un lieu privé.
C’est la politique du plus grand nombre et de l’accessibilité, j’y tiens beaucoup. On a petit à petit monté une équipe, une task force, opérationnelle, opérante et libre. Je leur fais confiance. Je tiens à suivre les jeunes en service civique ou les stagiaires qu’on accueille, je les écoute et tiens compte de ce qu’elles disent. J’ai, nous avons, vraiment la volonté d’inscrire dans la ville un lieu qui soutient la création, qui vient en accompagnement des artistes et de la création d’aujourd’hui, dans le domaine Arts & Technologie. Un lieu à échelle humaine, où il se passe des choses importantes aussi pour les individus.
Votre dimension humaine inspire beaucoup le lieu. Quelle est la philosophie d’Edis ?
Ici ça marche tellement bien, les bases sont lancées, je pourrais ne pas, ne plus m’en occuper, le Grenier n’a pas besoin que je vienne et je n’ai pas besoin de venir. La « ruche » fonctionne très bien, il serait malvenu que je vienne déranger le bon déroulement des choses. Ce qui me motive et ce que j’ambitionne, c’est favoriser, permettre, autoriser, transmettre. Il y a un élément financier, mais en même temps c’est une facilité, une autorisation, une permission que je mets à disposition. La philosophie c’est de partager. Aujourd’hui, le résultat ressemble à ce que j’ai souhaité, l’objectif est atteint !
C’est donner « sans rien attendre en retour », comme dit la chanson…
Quand on a tout perdu, ce qui reste on l’offre aux autres ! J’ai de la chance, j’en bénéficie mais autant la répandre et la partager autour de moi, j’en suis heureux. Il n’est pas écrit Régis Roquette sur le fronton du Grenier à Sel ! Ça ne m’appartient plus quelque part.
Quelle est l’avenir d’Edis, vous qui êtes un homme du présent ? Que souhaitez-vous pour les 10 ans qui viennent ?
Pas de souhait pour aujourd’hui, compte tenu que ça baigne ! Mon inquiétude, c’est de rendre le projet pérenne et de créer un lien et une interaction plus forte encore avec les visiteurs. Plus c’est compliqué, plus c’est complexe, plus ça m’intéresse : je cherche à travailler l’après en explorant peut-être un peu différemment le présent, avec un petit challenge qui fasse bouger un peu les choses. Comme trouver quelqu’un qui vienne en accompagnement peut être…
Retrouvez l’exposition (M)ondes Parallèles
Biennale des Imaginaires Numériques
Du 8 octobre au 22 janvier 2023
legrenierasel-avignon.fr
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