Rencontre avec l’artiste plasticien Jean-Michel Othoniel qui habillera la ville de sa poésie étincelante dès le 28 juin, dans Cosmos ou les Fantômes de l’Amour : un parcours artistique exceptionnel réfléchi comme les fragments d’un discours amoureux.
Vous présentez 260 œuvres dans dix lieux prestigieux, du Palais des Papes à la Chapelle Sainte-Claire, en passant par les musées municipaux, la Collection Lambert, le plus célèbre des Ponts… Comment est née votre passion pour Avignon ?
Avignon est une ville mythique pour les artistes, c’est un lieu désirable et désiré. Quand le Maire m’a invité à exposer, j’ai été très touché et très heureux de faire ce projet d’autant plus fou qu’on fête les 25 ans d’Avignon, Capitale européenne de la Culture. On rejoue la Beauté d’il y a 25 ans, avec le désir de montrer toutes les belles collections présentes à Avignon que beaucoup de gens ne connaissent pas, même les Avignonnais. Avignon, c’est une étape en France très importante, quand on prend la vallée du Rhône, tout le monde s’arrête ici !
Le désir et l’amour ont été vos fils conducteurs ?
Oui, parce qu’Avignon est avant tout la ville de l’amour, pour la célébrer j’ai tout de suite pensé au poète Pétrarque qui au Moyen-Âge a chanté son amour malheureux pour sa muse Laure. Cette figure poétique a inspiré tant d’écrivains et d’artistes, que ce soit Shakespeare, Michel-Ange ou Pasolini.
Comment avez-vous imaginé ce parcours dans la ville, sur le thème du Cosmos ?
L’exposition est conçue comme une constellation autour du Palais des Papes, le lieu où il y aura le plus d’œuvres, à travers un parcours dans les musées qui gravitent autour. Mais il s’agit bien d’une seule et grande exposition, où tous les lieux, que ce soit le Pont, la chapelle ou la place du Palais sont comme des sonnets qui se répondent les uns aux autres. L’idée c’est d’emmener les gens à aller voir des œuvres à un endroit et d’en découvrir le sens dans un autre, d’avoir deux lectures différentes pour enrichir leur regard sur les œuvres.
Quels lieux ou œuvres comptent particulièrement à vos yeux ?
98 % des œuvres n’ont jamais été montrées en France, on les fait venir de l’étranger, les autres sont des créations nouvelles, il y en a 140… c’est beaucoup. Cela fait deux ans que je travaille sur ce projet, j’ai créé les œuvres en fonction des lieux, certaines ne pourront exister que là, notamment au Palais avec des contraintes imposées. La grande Chapelle est l’un des lieux très inspirants : il y aura une enfilade gigantesque de sculptures abstraites en forme d’astrolabe qui vont se refléter dans une sorte de nébuleuse de verre bleu posé au sol. Les Monuments historiques ont été bienveillants et partenaires en repoussant les limites, en installant des œuvres sur la façade du musée Lapidaire par exemple… Il y a des choses qui vont surprendre.
Comment rendre accessible votre exposition, comment faire venir les gens ?
L’idée de chasse aux trésors est importante, on va aller d’un lieu à l’autre, grâce à la gratuité de tous les musées municipaux, les gens pourront aussi voir des choses en passant dans la rue, et se dire « tiens on va rentrer ». Il y a aussi, je pense, ce pourquoi on m’a choisi car dans mon travail il y a ce rapport à la beauté, à un univers joyeux, d’espoir, que j’essaye de transmettre. C’est un message très positif et je crois qu’aujourd’hui le public en a besoin. Si venir dans un musée c’est retrouver un moment d’espoir, de joie, pour affronter la réalité du monde et recharger les batteries, on aura tous gagné notre pari !
C’est le pari de la beauté !
C’est un peu le retour de la Beauté* en Avignon oui ! Ce sera plus cohérent qu’il y a 25 ans car il y a un seul artiste, donc une unité de style dans tous les lieux, même si les œuvres vont de la peinture à la sculpture, avec des choses très délicates. Au Petit Palais, j’expérimente un travail que je rêvais de faire depuis des années, totalement nouveau et en dialogue avec la collection Campana, l’une des plus belles collections au monde de primitifs italiens. Je fais comme glisser les auréoles des saints d’un tableau, et les réinterprète en verre mêlées à des feuilles d’or. C’est un travail très précieux, inédit, intime, en dialogue avec l’histoire de l’Art. Il y aura beaucoup d’œuvres en verre, en métal doré, 60 peintures jamais montrées en France ; il y aura aussi un très joli petit livre de ce parcours que j’ai entièrement dessiné à la main, et un petit dépliant gratuit.
Il s’agit de votre plus grande exposition. Comment vivez-vous ce défi ?
C’est un moment exceptionnel. Aucune ville au monde n’a jamais « donné » tous ses musées à un seul artiste, c’est une première mondiale, j’ai conscience de la chance d’avoir cette possibilité de m’exprimer à aussi grande échelle. Ça me permet de faire le bilan en France des œuvres qui ont gravité d’Europe, des États-Unis et d’Asie pour les rassembler toutes, pour la première fois, ici. C’est exceptionnel !
Cette exception est cohérente pour un artiste membre de l’Académie des Beaux Arts qui défend le patrimoine culturel français…
Je suis effectivement arrivé à 60 ans à un moment de cristallisation dans mon parcours, je suis ravi que ça soit à Avignon. Il y aura aussi à la Cour d’Honneur une grande installation de sculptures visibles tout le mois d’août : les 1er et 2 août elle sera habitée par une performance de danse créée spécialement par Carolyn Carlson, académicienne à mes côtés, interprétée par Hugo Marchand danseur étoile de l’Opéra de Paris. Tout est exceptionnel !
*La Beauté est le nom de la grande exposition organisée en 2000 dans le cadre d’Avignon, Capitale européenne de la Culture
Une exposition à découvrir du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026
Un article tiré du magazine avignon(s) n°93
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